Non, M. le Ministre, vous n'êtes pas à la tête d'un ministère de bleus.
Les propos ont de quoi choquer. Le ministre de l’intérieur, Gérald DARMANIN, auditionné au Senat a ainsi évoqué les forces de l’ordre en ces termes :
« Je constate avec vous, si vous me le permettez, que je suis à la tête d’un ministère où à part les commissaires de police, ceux que nous recrutons, c’est souvent des enfants pour reprendre votre mot, de 18, de 19 de 20 ans, qui n’ont pas fait de très grandes études, et qui choisissent le service de la nation par la police où la gendarmerie. Je ne suis pas à la tête du Ministère de la Justice, où les gens passent des concours à BAC+4, BAC+5, où à l’éducation nationale, où les gens sont très mal payés par ailleurs comme les policiers, m’enfin ils ont un capital social très important. Mettons-nous quelques instants à la place d’une majorité de jeunes qui choisissent le service de la police et de la gendarmerie que nous devons former nous. Donc, oui, ça demande une exigence supplémentaire, parce qu’en plus ces personnes ont la contrainte légitime des armes et donc par ailleurs une responsabilité supplémentaire. Et à nous de savoir pourquoi et pour quelle raison ils veulent rentrer dans la police et la gendarmerie. »
Les réactions sont unanimes. Le ministre a déçu, choqué, certains évoquant un « mépris » inacceptable. Au mieux, certains le jugent maladroits, au pire ses propos sont qualifiés d’impardonnables. GendXXI souhaite, après la tempête d’indignation, revenir sur la place importante des jeunes au sein de la Gendarmerie mais également sur le choix des termes employés par notre ministre de tutelle.
Dans un premier temps, permettez-nous de vous rappeler, monsieur le ministre que les officiers de gendarmerie sont, au même titre que les commissaires de police, recrutés à BAC+5 et suivent une scolarité à l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (EOGN). Evoquer l’exception des commissaires de police, aussi incongrue qu’elle puisse être, tout en omettant de mentionner leurs homologues militaires est, effectivement, quelque peu maladroit. Mais revenons au cœur du sujet. Ces « enfants » que vous recrutez, qui n’ont pas fait de « très grandes études », disposant d’un « capital social » faible voire inexistant, et à qui la société remet une arme pour assurer la sécurité de tous.
Permettez-nous de signifier ici, avec la plus grande solennité, notre incompréhension face aux propos que vous avez tenus. Il n’y a pas si longtemps un livre dont le titre était « un président ne devrait pas dire ça » défrayait la chronique notamment par le mépris exprimé dans ses pages envers des ministres, envers la justice, envers les « sans-dents ». Monsieur le ministre, certains exemples ne sont pas à suivre, quand bien même ils proviennent d’anciens présidents de la République.
La Gendarmerie Nationale est une institution en perpétuel renouvellement. La moyenne d’âge des militaires de la Gendarmerie était, en 2021, de 36 ans pour une ancienneté moyenne de 14 ans. Oui, les gendarmes prennent l’uniforme tôt, pour un sous-officier c’est aux alentours de 24 ans. Plusieurs facteurs expliquent cette précocité : l’engagement, c’est un métier que l’on choisit par conviction et dont on sait qu’il exige un don de soi important. Les jeunes gendarmes ont très majoritairement un lien avec la gendarmerie et cette conscience d’exigence du métier intervient très tôt. Le sens de la mission, c’est un métier résolument tourné vers les autres, la gendarmerie est au service de la population, elle la protège, parfois d’elle-même et il n’est jamais trop tôt pour défendre la nation. La militarité, contrairement à des propos que vous tenez plus tôt lors de votre audition, cette militarité à une origine et des effets et nous y reviendrons, mais cet aspect culturel structurant importe pour nos recrues.
Oui, c’est un choix de carrière qui se fait jeune. Heureusement par ailleurs, car pour partir avec une pension complète, il faut cotiser 43 annuités avant une limite d’âge à 59 ans… 38 annuités effectives si l’on prend en compte la bonification du 1/5ème. Entrer tard, c’est prendre le risque d’être polypensionné avec un revenu faible.
Ces jeunes militaires ne sont donc pas une difficulté mais bien une relève nécessaire, indispensable, salutaire. Des soldats de la loi qui veulent servir avec, au cœur, la flamme des premiers jours. Cette énergie, nous devons l’embrasser. C’est le rôle des chefs, en école comme en unité, du gradé d’encadrement à l’officier supérieur. Par l’exemple, l’entraînement et la pratique, le jeune gendarme devra gagner en expérience et en confiance. Cette pratique de formation et d’accompagnement, longtemps naturelle, est rendue de plus en plus difficile notamment en raison des choix politiques des derniers gouvernements.
Réduction d’effectifs, augmentation de la charge de travail, multiplication des priorités, instabilité autour des parcours de carrière. Plus récemment, il a été imposé la formation OPJ en sortie d’école, le président a fixé, à effectif constant, un objectif de doublement de la présence sur la voie publique, de nombreux cadres ont été amenés à quitter l’institution en raison des conditions de travail de plus en plus difficiles, des dispositifs contraires aux fondamentaux de notre métier et de notre culture ont été maintenus comme la Prime Individuelle de Résultats Exceptionnels. Petit à petit le temps alloué à la formation se trouve contraint ou dévalorisé par manque de temps ou de cadres. Le défaut de formation génère des tensions, les tensions amènent à des erreurs. Mais à qui incombe la responsabilité ?
Nos jeunes gendarmes n’ont certes pas un « capital social » important, du moins dans sa définition sociologique mais ils doivent trouver au sein de l’institution quelque chose de plus précieux : un esprit de corps. Nous avons évoqué la militarité et nous tenons, monsieur le ministre à vous dire combien elle est un pilier de notre institution et qu’elle constitue une différence fondamentale avec la Police Nationale. Si demain, nous souhaitons tous une gendarmerie efficiente, et nous sommes convaincus que c’est un objectif que nous partageons, cela passe par une exigence d’abord envers soi-même. Une exigence sur la qualité de la formation initiale, une exigence sur la formation continue, une exigence sur l’encadrement, une exigence sur le commandement. Cette exigence doit se manifester d’abord par une affirmation et une reconnaissance forte de notre culture militaire et de ce qu’elle implique.
C’est cette exigence qui porte la gendarmerie et ses personnels au quotidien. C’est cette exigence qui nous a permis de gagner la confiance des populations que nous protégeons. C’est cette exigence qui nous permettra, demain, de la conserver.
C’est cette même exigence qui aurait dû vous conduire à réfuter le terme « enfant », cette même exigence qui aurait dû vous conduire à rappeler que ce n’est pas l’âge d’un candidat qui fait sa valeur, mais sa loyauté, son engagement, sa détermination. « Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » disait Montaigne. Une citation très à propos qui aurait eu sa place dans votre discours.
Nous tenons à témoigner ici de notre plus grand respect pour celles et ceux qui, dès leur majorité ou peu après, feront le choix de rejoindre la Gendarmerie Nationale. Vous êtes les chefs de demain. Il vous faudra quelques années pour atteindre un aussi noble objectif, ce sera parfois difficile, mais vous serez fiers de votre parcours et des services rendus. Nos valeurs sont les vôtres et nous défendrons toujours la condition militaire pour que la gendarmerie reste une institution qui inspirera, longtemps, les plus jeunes. 😉
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