Ignorance hiérarchique : les origines du mal être
Les faits sont têtus.
Pour la quatrième fois consécutive, la justice vient de confirmer la culpabilité d'une présidente d'association de familles de gendarmes, dans des faits de "harcèlement moral" dont a été victime un militaire, officier de la gendarmerie nationale.
L'origine de la discorde :
Prenant à peine ses fonctions dans une unité affligée d'un sous-effectif supérieur à 10%, des gendarmes affirment spontanément à leur chef que l'organisation d'un bal à plus de 500 invités risque d'être trop lourd à gérer. Prenant la mesure de ces propos, et plaçant la mission avant toute chose, il ne peut décemment pas demander des renforts tout en affectant des militaires à l'organisation d'une fête. Il est donc convenu avec les commandants d'unité, d'organiser une manifestation plus modeste pour financer l'arbre de Noël des enfants, élément catalyseur de ses harceleurs, pour qui la manifestation annuelle était une des vitrines de leur association.
Comment une telle situation a t-elle été rendue possible ?
Par le "réseau" que lui offrait sa proximité, reconnue et validée par la gendarmerie elle-même. C'est donc "ce" cautionnement qui débouche en 2021 sur une mise en cause plus globale "de la chaîne hiérarchique institutionnelle" dans son ensemble, comme le souligne le jugement en date du 11 février 2021 dernier.
Il est à présent clairement établi qu'au travers de son lobbyisme, cette présidente d'association a tout mis tout en œuvre pour nuire à ce militaire, et ce, jusqu'au plus haut niveau hiérarchique. Aidée de son mari, sous-officier d'active que le tribunal administratif qualifiera de déloyal, elle s'attellera à un travail de sape méticuleux auprès du commandant de groupement de la Creuse, celui de la région de gendarmerie du Limousin, puis de la Direction Générale. Ayant usé de tous les moyens dont elle disposait (relations directes, appels téléphoniques, voir d'autres plus reprochables tels que les e-mails "professionnels" des militaires de la compagnie) elle utilisera également la chaîne de concertation, en s'adressant jusqu'au secrétaire général du CFMG puis au directeur général de la gendarmerie.
Mais cette obstination néfaste n'aurait pas eu de tels retentissements, si à un quelconque instant cette "chaîne hiérarchique" - qui au quotidien est supposée assurer le rôle de "protecteur" que tout citoyen et donc tout personnel de sa propre institution est en droit d'attendre - avait osé sortir du mutisme et de l'immobilisme qui caractérisent si bien son surnom de "grande muette".
Très tôt, l'officier victime perçoit l'anormalité de la situation et fait donc ce que tout militaire sait et doit faire en de telles circonstances : un compte rendu hiérarchique détaillé.
Autrefois référence absolue, le règlement de discipline général dans les Armées fait toujours en 2021, obligation au chef "de veiller aux intérêts de ses subordonnés". Parallèlement, le code de la défense dispose que les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet. L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions... et la loi du 13 juillet 1983 protège les agents de l'Etat du harcèlement moral.
Un premier compte-rendu sera donc rapidement transmis au DGGN par voie hiérarchique, mais ne trouvera malheureusement aucune réponse. Il faudra au final la transmission d'un courrier en LRAR "portant recours hiérarchique sur notation" pour enfin obtenir en retour : une réponse laconique de la DPMGN indiquant qu'il avait été entendu par le commandant de région... Nonobstant bien entendu, les coups de griffes et le niveau de notation dont il fera l'objet.
Durant tout ce temps, les manœuvres et les récriminations induisant explications verbales ou écrites se poursuivent. Parmi elles, des courriers de son commandant de région contenant des reproches infondés, qualifiés ultérieurement par les juridictions répressives de "relativement menaçants". Ou bien encore, des demandes de compte-rendus réclamées plusieurs mois après des faits dont le chef hiérarchique à pourtant une parfaite connaissance.
Fragilisé psychologiquement puis physiquement par l'accumulation de ces manœuvres, l'officier parviendra néanmoins à faire face à ses responsabilités, ne voyant pas venir la partie "non visible" de l'iceberg.
Une enquête judiciaire de l'inspection générale de la gendarmerie viendra en effet révéler qu'en conséquence des machinations de Mme Noël (désormais condamnée) cette situation a été portée à la connaissance et au désavantage de l'officier, jusqu'aux directions et sous-directions de la DGGN, ainsi qu'au cabinet du ministère de l'intérieur.
Quelle chance avait-il de s'en tirer ?
Aucune. Même l'IGAG (Inspection générale des Armées Gendarmerie) a fait son cas d'école de cette situation, grimant si peu les protagonistes qu'ils étaient aisément identifiables.
Et le résultat nous direz-vous ?
L'officier fut « convié » à quitter son poste au bout de trois ans de commandement, en dépit de l'interdiction du code de la défense de prendre une mesure de mutation à l'égard d'un militaire "en situation de harcèlement". Ce faisant, la harceleuse pouvait tranquillement signer une "avantageuse convention avec la région de gendarmerie" en mettant son mari sous officier d'active, à disposition de son association, deux jours par semaine...
Quelles conséquences en tirer ?
Il faut bien avoir conscience que ce qui s'est produit n'a pu advenir que grâce à une "complaisance" et un rôle "actif" de la hiérarchie. Outre l'envoi de mails et de notes blanches du commandant de région au directeur général et d'un rapport de l'IGAG recueillis par les enquêteurs de l'IGGN, le tribunal correctionnel comme la Cour d'appel relevaient l'incompréhension des niveaux de hiérarchie intermédiaires, quant aux réactions et pressions démesurées provenant de la région de gendarmerie.
L'audience du 16 mars 2018 devant la Cour d'appel aura eu le mérite de voir marcher l'ancien commandant de région à visage découvert. Lequel admettra avec difficulté à la barre et sous serment la teneur viciée de ses reproches émis par écrit.
Quant au directeur général, on ne saura jamais son degré de responsabilité dans cette affaire dans la mesure où, dès la première page de la première pièce de la procédure, les enquêteurs de l'IGGN affirmeront qu'aucun élément d'enquête n'indique qu'il ait pu intervenir directement dans la gestion de ce conflit. En conséquence de quoi, il ne sera pas auditionné alors qu'il était nommément visé dans la plainte.
Réduire le militaire au silence était sans nulle doute plus simple et moins risqué en terme d'affichage. Mais c'était sans compter sur le courage et la persévérance de cette victime d'injustice.
Car aujourd'hui encore, un certain nombre de décideurs de la gendarmerie ont un point de vue suranné des mécanismes régulateurs, tout en affichant une ouverture "de façade" à un dialogue interne présenté comme "moderne et ouvert".
C'est ainsi, que le chef de l'IGAG toisa le militaire du haut de ses cinq étoiles et déclara qu'il serait muté s'il empruntait la voie judiciaire (un bon début pour une médiation)... De même que le commandant en second de la région considéra une déclaration d'intention de dépôt de plainte comme une menace... Ou bien encore que le successeur du commandant de groupement percevra dans la constitution de son recours : une forme de rébellion...
Cela se vérifie trop régulièrement. Les voies de droit sont perçues par certains chefs comme une "atteinte à la puissance de leur autorité". Un comble pour des représentants de la loi.
Les conclusions :
A la suite de la première décision de justice et de celles qui ont suivies, l'officier sollicite de manière non contentieuse la DGGN pour être rétabli dans sa dignité de militaire et d'officier.
Mais en vain.
L'on pourrait en sourire, en faisant fi du nombre de suicides étourdissant touchant les rangs chaque année et dont la présente affaire permet à présent de mieux cerner l'une des causes récurrente : l'injustice hiérarchique.
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